Sur
la mer.
Dans la mer Baltique entre la Finlande et la Suède, on dit qu’il
y a autant d’îles que d’étoiles dans le ciel.
Elles sont regroupées en constellations ou archipels, dont Åland,
une agglomération de plus de 6500 îles, sans compter les
rochers et les récifs. Dans cet archipel finlandais, la langue
officielle est le suédois et le mot « île »
se dit « ö », comme le dessin d’une petite île
avec deux rochers.
Zigzagant entre les îles d’Åland, j’ai appris
que la distance insulaire ne se calcule pas en kilomètres, mais
en temps. J’ai vu des îles qui poussent. Oui, elles poussent
les îles de la mer Baltique; un millimètre par année
depuis que les glaciers se sont retirés et que les îles
de granit rebondissent comme des coussins enfin soulagés du poids
de l’épaisse couverture glaciaire.
Mais les îles ne sont pas toutes sorties hors de l’eau.
Il en reste autant de cachées sous la mer — écueils
pour la navigation, hauts-fonds pour déchirer la coque des bateaux
qui s’y aventurent. C’est pourquoi les routes maritimes
sont parsemées de balises, phares et autres marqueurs qui font
de la navigation sur cette mer une véritable course à
obstacles.
Le Kalevala, la grande fable fondatrice de la culture finnoise, raconte
ainsi la naissance de ces îles : Lors, elle nage loin de terre,
elle fait halte vers le large, ce sont les récifs de la mer,
les brisants cachés sous la vague, pour le naufrage des navires,
la malemort pour les marins. Ainsi, les îles sont brossées,
les récifs piqués sur la mer.
L’islomane que je suis ne pouvait résister à l’appel
de tant de petits mondes à étreindre et à caresser.1
In the sea.
In the Baltic Sea between Finland and Sweden, it is said that there
are as many islands as there are stars in the sky. They are grouped
in constellations or archipelagos like Åland, which has more than
6,500 islands, not counting crags and reefs. In this Finnish archipelago,
the official language is Swedish and the word “island” is
written as “Ö”, like a drawing of a small island with
two little rocks.
Zigzagging through the Åland archipelago, I learned that, in
the world of islands, distance is not calculated in kilometres, but
in time. I saw islands growing. Yes, the granite islands in the Baltic
Sea have been growing since the glaciers pulled back, and they have
grown a millimetre every year, like expanding cushions, finally free
of the weight of the ice mass.
But not all the islands have come into view. Many still lie hidden
under the sea — shoals and reefs that threaten to tear apart the
hulls of ships adventuring into the area. So the maritime routes are
dotted with beacons, buoys and other markers that make navigation on
the Baltic Sea a veritable obstacle course.
The Kalevala, the epic poem heralded as the foundation of Finnish culture,
tells the story of the creation of those islands: Then she swam
further from land, paused upon the main: formed the crags in the water,
grew the hidden reefs, to be places for shipwreck, the dispatch of sailors’
heads. Now the islands were arranged, and the crags formed in the sea.
The islomane that I am could not resist the call of so many tiny worlds
just waiting to be embraced and caressed. 1